samedi 16 février 2008

Mère et fils d'Alexandre Sokourov


Mère et fils – Le détachement de l’être



Une mère mourante qui vit ses derniers instants avec son fils. L’on ne peut faire plus simple comme histoire, et pourtant, Sokourov mène une réflexion très riche sur notre rapport à la Mort, à l’autre, à la nature.

Le spectateur est plongé dès le début dans l’intimité de ce drôle de couple. La mère et le fils. Le père n’est pas là. Peut-être est-il mort lui aussi. Il n’est pas évoqué pendant le film, ou bien pas en tant que père, mais simplement en tant qu’amoureux, une fois, pendant que le fils lit une vieille carte postale à sa mère, reçue bien des années avant. Les rares discussions entre la mère et le fils sont d’ailleurs axées sur le passé, sur d’étranges souvenirs mêlés à l’angoisse de la perte. Que va devenir le fils, une fois la mère partie ?

Elle choisit. Elle choisit de sortir, plutôt que de manger. Voir la nature, la vie, au lieu de rester cloîtrée dans l’austère maison à ne profiter de rien. Le fils la porte durant une mystérieuse balade onirique et apaisante dans la campagne Russe. Le bruissement des herbes qui se couchent, le ciel qui se couvre, la nature verdoyante qui semble envelopper les deux corps qui évoluent lentement. Le rapport y est très russe, une sorte de retour aux origines. Finalement, ce vers quoi la mère se tourne dans ses derniers instants, c’est elle, c’est nous. Cette nature, pourtant vierge de toute vie humaine, contient tout ce que nous sommes.

Dans ce film, il n’y a guère de repère orthonormé. Les diagonales, les obliques, les courbes sinueuses sont les seuls repères du film, signe de la fin de ce que nous connaissons, de ce qui nous rassure, de ce sur quoi la vie est basée.
C’est également un film sur l’émancipation. La mort de la mère est nécessaire à l’échappement du fils. D’ailleurs, lorsque le fils (refusant de laisser mourir sa mère) lui demande pourquoi elle veut mourir, cette dernière répond : " à cause de toi "
C’est donc une mort physique, mais également symbolique. De ceci naîtra l’Homme, dont l’absence à travers la figure du père se fait cruellement ressentir. La mère, individu asexué sur le déclin, meurt pour donner vie à son fils. Schopenhauer disait : " Que serais-je si mes ancêtres n’étaient pas morts ? "

La mère meurt, le fils perdu erre. Sur la main blanchâtre, immobile et froide, se pose un papillon. Retour à ce que nous étions avant notre naissance. L’être est la nature.

Critique écrite par Cancan




1 commentaire:

félix a dit…

très beau texte :)